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23 nov. 2010

Moonlight Sonata - n°6

Alex prit son temps pour rentrer chez lui. Il ne comprenait pas cette réaction brusque et plutôt inattendue qu'avait eue Emma. Autant dire que sa tentative de séduction avait complètement échoué. Au contraire, maintenant, elle le détestait .
Pire, il l'avait rendue malheureuse. En même temps, il fallait avouer que ça ressemblait beaucoup à un malheur de fillette capricieuse — qui pleure pour ça ? Ce genre de pleurnicheries, c'était digne de ces blondes écervelées dans les films de série B. C'est pour ça que c'était si perturbant. Emma – il connaissait son nom maintenant – ne semblait pas être comme ça. Déjà elle était brune, et une jolie brune. Et puis il avait senti qu'elle n'était pas creuse... Au contraire, il était sûr qu'on pouvait se perdre dans les méandres de sa personne, basculer dans une sorte de bel infini ; pas celui de ses yeux, comme ils disent — c'est idiot comme idée. Mais celui de son personnage – il n'arrivait pas à comprendre qui elle était, et c'est ce qui le troublait plus.

Sur le chemin du retour, il prêta une attention particulière à des petits détails auxquels il ne faisait pas attention d'ordinaire. Il s'arrêta en dessous d'un arbre pour regarder une feuille rougie par l'automne qui tombait lentement. Il la ramassa, l'assortit à une autre qui était dorée, et les épingla sur son costume. Il se sentait comme un duc, qui se promenait dans son immense propriété. Il ne savait pas trop de quoi il était le duc, peut-être était-il le Duc de l'échec, mais il n'avait pas envie d'y penser. Il reconnaissait dans cette Nature tristement épanouie quelque chose de dense, d'émouvant, qui le fit se sentir à la fois vaniteux et vulnérable. Il aurait aimé avoir Emma à son bras, et danser avec elle une valse sous les feuilles. Mais il n'y avait ni musique, ni Emma, aussi, se sentant idiot, il se remit en route vers son appartement.

Une fois rentré, il écrivit son papier sur la jolie histoire de James Angelo, en envoya un exemplaire à son patron, et un autre à Julia, la veuve qu'il avait beaucoup appréciée. Il rajouta dans les enveloppes un petit mot de soutien à Julia, et dans l'autre une lettre de menace de démission à l'adresse de son rédacteur en chef. Il les referma, et sortit les poster.

- Bonjour monsieur, quelle belle soirée, n'est-ce pas ? lui lança un homme revêtant élégant costume vert sombre, tandis qu'il rentrait.
- Euh, oui, c'est vrai... bredouilla-t-il, surpris.
- Le fond de l'air est frais, ne trouvez-vous pas ?
- Je ne sais pas, oui, sans doute...
- Il n'y a pas de « sans doute » qui tienne, voyons. Trouvez-vous que le fond de l'air est frais, ou non ?  Je n'en serais pas fâché, si vous me contredisiez, vous savez.
- Je ne me souciais pas de cela. Oui, il fait un peu frais, mais c'est assez normal pour un mois de novembre.
- Vous ne vous souciez pas de cela ? Vous ne vous préoccupez pas de l'opinion de votre interlocuteur ? En voilà une belle affaire !
- Non, je n'ai pas dis ça. C'est juste que ce que je pense est indépendant de l'opinion de mon interlocuteur, comme vous dites. Je ne vais pas penser blanc parce que vous pensez blanc.
- Ah parce que vous êtes raciste en plus ? s'exclama l'étrange importun.

Celui-ci sembla alors remarquer quelque chose un peu plus loin, et en souriant, lui tapa sur l'épaule en disant « Bonne soirée à vous, mon brave ». Et il partit comme il était venu, laissant Alex confus, à quelques pas de chez lui.

3 commentaires:

  1. C'est frustrant, on lit, ça nous plait, mais c'est court. Presque bref.

    N'y a t il pas d'autres œuvres de la même plume, accessible à notre curiosité (autrement dit en ligne ou edité), pour satisfaire notre satiété ?

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  2. yes! j'aime ce passage.
    Surtout " il était sûr qu'on pouvait se perdre dans les méandres de sa personne, basculer dans une sorte de bel infini ; pas celui de ses yeux, comme ils disent — c'est idiot comme idée. Mais celui de son personnage – il n'arrivait pas à comprendre qui elle était, et c'est ce qui le troublait plus"
    :)

    (hey, à la fin, tu t'es inspiré des cours de frank, avoue?)
    ju

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  3. Cher Anonyme n°1, dont j'ignore complètement l'identité (ça paraît assez évident, en même temps), tout d'abord merci. Et si, vous pourrez trouver mes meeeeeerveilleux précédents textes à deux endroits :

    Le site web In Libro Veritas: (surtout de la poésie)

    http://www.inlibroveritas.net/auteur3030.html

    Mon autre blog (que j'ai un peu délaissé pour celui là) (ma nouvelle, Léon et les Paons, et d'autres petits riens) : http://exilster.blogspot.com

    Amicalement vôtre,

    Le service "courrier des lecteurs".

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