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18 nov. 2010

Moonlight Sonata - n°5

Il fallait qu'elle le retrouve. 
Déjà, elle n'aimait pas du tout qu'un inconnu détienne ses affaires, son intimité en quelque sorte. Et puis, elles étaient précieuses. Elle y avait réfléchi pendant de longs instants, mais rien à faire : sa seule piste était le Moonlight Sonata. S'il y était venu une fois, il pouvait y revenir. Peut-être que ce n'était que l'errance d'un soir d'un kleptomane vagabond, et que jamais il ne remettrait les pieds dans ce bar. Mais c'était la seule chose qu'elle pouvait faire, aussi préféra-t-elle espérer. Et puis elle avait tout de même eu l'impression de lui plaire — peut-être qu'il jouait la comédie, mais quel intérêt après tout ?... Non, qu'il soit voleur ou non, si elle lui avait plu, et qu'il était un tant soit peu persévérant, il reviendrait, dans l'espoir de la revoir. Mais cela n'existe plus, de nos jours, les hommes persévérants. A la moindre petite épine qu'on peut tendre, ne serait-ce que par jeu, par épreuve, ils se dégonflent, et s'envolent vers d'autres proies plus faciles. Elle est loin, l'époque des chevaliers et des dragons. Ou alors, il faut que la fille vaille le coup. Encore faudrait-il qu'ils aient le temps de s'en rendre compte. Ou alors c'est un homme hors du commun. Mais ça, on en croise très peu dans une vie.

Elle jouait avec son verre, perdue dans ses pensées, à une petite table qui lui semblait être idéalement placée pour guetter les entrées et sorties, en face du comptoir. Alors qu'elle observait distraitement le serveur, qui par une petite moue témoigna de la déception que lui causait cet éloignement nouveau, elle le vit détourner le regard en direction de la porte. Il fit un geste à son adresse, et lui montra quelqu'un : c'était lui. Oui, c'était bien lui ! Le même regard un peu sombre mais plein de vie, les mêmes cheveux bruns et coiffés sans en avoir l'air...
Elle ne se montra pas tout de suite. Mais comme il n'avait pas l'air d'un rôdeur aux intentions douteuses, elle lança un « Alex ! » clair, qui le fit sursauter. Il chercha des yeux qui l'appelait, et quand il aperçut ce visage qui avait hanté ses pensées depuis leur dernière rencontre, il eut un air de franche surprise qui le laissa décontenancé pendant quelques courts instants.

- Que faites-vous là ? Je pensais justement me lancer à votre recherche.
- Et bien justement, je vous cherche. Il faut croire que je suis la plus prompte des deux.

Il lui prit la main et la baisa, ne soupçonnant pas les reproches que contenait cette réplique.

- Maintenant, peut-être que vous allez pouvoir me rendre ces choses que vous avez prises, et qui m'appartiennent.
- Oh, elles sont chez moi, mais nous pouvons nous retrouver demain, ici, à la même heure ? Je les apporterai.
- Vous ne manquez pas d'air. Il faut donc que je convienne d'un rendez-vous avec sa Seigneurie pour avoir l'honneur de récupérer ce qu'elle m'a volé ?
- Volées ? Mais non, pas du tout, vous les aviez oubliées, et je ne voulais pas que quelqu'un d'autre...
- Me les vole ?
- Non, enfin, je voulais les garder en sécurité, jusqu'à ce que je puisse vous retrouver et vous les rendre.
- Admettons que ce soit vrai, un rendez-vous est-il vraiment nécessaire ? Où habitez-vous ?
- A quelques pâtés de maisons de là...
- Ce n'est pas si loin alors. Je vous accompagnerai.
- Très bien. Mais, dites-moi, pourquoi êtes-vous si pressée de les récupérer ?
- Cela ne vous regarde absolument pas.
- Oh, allez. J'ai eu l'amabilité de prendre soin de vos précieux effets et de ne pas m'offusquer de vos accusations fantasques. Ayez celle de répondre à ma question.
- Je suppose que vous avez vu les objets que mon manteau contenait ?
- Oui, et alors ? Pourquoi sont-ils si précieux ?
- Vous voyez, vous ne respectez rien. Vous volez un manteau, et vous fouillez dedans...
- Je ne l'ai pas volé ! Vous ne semblez pas me croire, et ça m'agace.

Il voyait ses chances de la revoir s'amincir de minute en minute. Pourtant il le voulait, pour lui montrer qu'il n'était pas cet homme maladroit, ni un voleur, comme elle l'imaginait. Or, s'il lui rendait ses précieuses petites choses, elle n'aurait plus besoin de lui, et s'en irait, sans plus chercher à le retrouver.

- Je vous les rendrai si vous me dites pourquoi vous y tenez tant et si vous acceptez de dîner avec moi.
- Ah parce que maintenant vous voulez un dîner ? Et vous me menacez ?
- Je ne vous menace pas, c'est plus comme... un pacte.
- Un pacte, c'est entre deux personnes égales. Alors que là, c'est vous qui avez le pouvoir, et ça vous excite, avouez.
- Mais non, tout de suite les grands mots. Détendez-vous un peu. Pour commencer, arrêtons de nous vouvoyer.
- Je vous demande de me rendre mes affaires.
- Je suis content que tu te souviennes de mon prénom.
- Je vais commencer à perdre patience. Rendez les moi.
- Comment t'appelles-tu ?
- Emma. Rendez les moi, ou je crie.
- Vous ne le ferez pas. Et ça ne serait pas fair play... Je vous ai proposé mon pacte, à vous de voir. C'est très simple. Vous n'avez qu'à répondre à une petite question, et vous faire inviter à dîner. On a vu pire comme supplice. Sauf si vous me trouvez extrêmement repoussant, évidemment.
- Vous voulez vraiment jouer à ça ? demanda-t-elle, les larmes aux yeux.

Et avant qu'il ne put répondre, car il était troublé par ce soudain signe de faiblesse qui lui fit mal au coeur, elle était partie.

6 commentaires:

  1. Oh m... !
    Déjà fini ?
    Pas cool, de nous laisser en plan comme ça !
    Très bon, cet épisode 5. Très, très bon. À un moment, j'ai même trouvé que la scène et les dialogues pourraient bien rendre au théâtre.
    Tout ça pour dire :
    La.
    Suite.
    La.
    Suite !

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  2. Je crois que c'est unanime; on en redemande tous !

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  3. Oh, allez, nous laisser en plan comme ça, c'est encore pire qu'une pub qui coupe un film qui passe à la télé...

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  4. Ca redonne du dynamisme à la série, ces dialogues! Pas mal! Mais sérieusement, "les larmes aux yeux" et la fuite c'est un chouilla cliché non?

    ju

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  5. @ Tiphaine: Je vais essayer de sortir le prochain avant mercredi :P

    @Ju: =P Oui et non... C'est vrai que la scène est un peu cliché, mais sa réaction sera à reliée à d'autres données (qui la rendront, j'espère, un peu moins 'cliché').

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