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4 nov. 2010

Moonlight Sonata - n°3

Coincé dans les embouteillages, il tapotait sur son volant, distraitement, au rythme de la musique que lui murmurait la radio.

«  Ecoute ma voix, écoute ma prière... Ecoute mon coeur qui bat, laisse-toi faire... Je t'en prie ne sois pas farouche quand me vient l'eau à la bouche... »

C'était plus fort que lui. Il n'y avait de sensuel dans la situation présente : il se rendait chez une vieille dame qui allait lui parler de son défunt mari en versant toutes les larmes de son corps. Et pourtant, tout, et surtout cette musique lancinante, le ramenait à ces obsédantes pensées. Cette jeune femme qu'il avait croisée... il fallait qu'il la revoie, il voulait la regarder à nouveau, il voulait être regardé par elle. Il voulait poser son regard sur elle et sentir comme elle se prêtait à ce regard avec un doux et discret abandon, comme si elle lui permettait quelque chose de secret, d'inédit. Il voulait sentir à nouveau comme son propre regard la faisait se sentir belle. Oui voilà, il voulait la retrouver, et qu'elle s'abandonne à lui.
Mais qui était-il pour qu'on s'abandonne à lui...? C'était décidé, il arrêterait les compromis : ce qu'il voulait, c'était être journaliste, pas établir des listes de macchabées par ordre de date de péremption. Et s'il crevait demain...? La mort n'attend pas qu'on ait réalisé ses rêves pour frapper... D'accord, il faut savoir accepter que les choses ne nous arrivent pas tout de suite ; mais trois ans de patience, c'est peut-être suffisant, non ? Enthousiasmé par ce nouvel élan d'une volonté qu'il avait oublié, il monta le son de la radio et se passa les mains sur le visage. Oui, cela allait changer. Aujourd'hui, ou demain, dernier délai. Il allait faire quelque chose, pour ne pas avoir honte de répondre à cette femme, quand il la reverrai.

*

- Bonjour, je ne sais pas si vous me reconnaissez...
- Si, bien sûr, vous êtes venue hier soir... Vous avez laissé vos affaires en partant, répondit le barman chaleureusement.
- Ah, alors vous les avez ? s'enquit-elle, soulagée.
- Non, je les ai données au jeune homme qui vous accompagnait, il m'a dit que c'était ce qui avait été convenu.
- Comment ? Mais non, je... Je ne connaissais même pas son nom, il vous a menti, s'inquiéta-t-elle, confuse.

Le barman parut embêté, il ne sut que dire. Il lui proposa un verre, en guise d'excuse.

Troublée, elle s'assit sur le tabouret qu'il lui présenta, et saisit en souriant le verre qu'il lui avait servi.

- Ce manteau coûtait-il cher ? Y avait-il quelque chose de précieux dans vos affaires, qui le pousse à vous les voler ?
- Non, je ne crois pas... Je ne connais pas le prix de mes affaires, mon manteau et mon chapeau étaient des cadeaux.
- Des cadeaux d'une personne de goût alors, lança-t-il sur un ton charmant, pour lui montrer qu'il cherchait à lui plaire.
- Merci, vous êtes gentil, répondit-elle en recoiffant une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle sentait son regard insistant sur elle, et comme souvent, hésitait à lui rendre, de peur qu'on puisse lire en elle. Ce n'est pas trop dur votre métier ?
- Non, sauf les jours de grande affluence, et quand les clients sont désagréables. Mais ces deux choses restent assez rares ici, et je m'entends bien avec le patron. Je ne le vois pas souvent d'ailleurs, donc...

Elle écoutait en souriant et buvait son verre en ouvrant de grands yeux curieux, comme si elle était passionnée parce qu'on lui racontait.

- Et vous, que faites-vous dans la vie? demanda-t-il en se préparant un verre. Permettez que je me serve aussi, je ne travaille pas à ces heures là normalement.
- Oui bien sûr. Je suis mannequin. Enfin, j'essaye des vêtements pour les montrer à des dames riches. Ça paye bien. Mais je crois que je vais changer, bientôt.

Ils continuèrent à bavarder quelques minutes encore, puis, prétextant un rendez-vous, elle le remercia pour le verre, lui promit de revenir au moins une fois le voir, et s'en alla.

5 commentaires:

  1. Eh ben, ça n'a pas trainé !
    Mais vu qu'il est l'heure pour moi de raccrocher, je lirai l'épisode 3 tranquille/relax demain...au boulot (niark niark)

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  2. Si vous avez lu ce numéro avant 15:42 aujourd'hui, vendredi 5, jour de Diwali et de la fête de la causette avec les morts en Corée (oui oui apparemment), je vous signale deux petits rajouts/changements ; le seul pouvant avoir une influence sur la suite étant :
    " - Oui bien sûr. Je suis mannequin. Enfin, j'essaye des vêtements pour les montrer à des dames riches. Ça paye bien. Mais je crois que je vais changer, bientôt. "

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  3. Bon, finalement je n'avais pas eu le temps de lire l'épisode 3 -- à croire qu'au boulot quelqu'un me traque sur la toile (je n'ai jamais été autant débordé).
    Mais là, samedi, j'ai la paix.
    Donc donc donc.
    Un bien bon épisode, où l'on apprend un peu plus sur l'héroine, juste un peu plus, mais pas trop et qui se termine sur un élément de suspense.
    Ça fonctionne, Odalisque, ça fonctionne bien.
    (même si j'ai trouvé ça trop court -- mais plus long aurait été difficile à lire sur écran)
    Continue, hein ?
    Vivement la suite !
    Bises du samedi !

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  4. Merci g@rpounet, ça c'est le genre de commentaires qui font beaucoup de bien ! La suite sous peu (oups, 5 centimes de plus dans ta cagnotte), promis (ça sera mercredi dernier délais normalement).

    Bises du samedi soir !

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  5. Cécile Guilloton20 mai 2011 à 10:37

    Coucou Odalisque, C'est Cécile Guilloton ! ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vues. J'espère que tu vas bien et que tes examens se sont bien passés. J'ai découvert que tu avais un nouveau blog et j'ai commencé ton histoire. C'est très agréable à lire, le style et les descriptions sont élégants et les personnages intrigants. Je vais donc poursuivre ma lecture ! Continue comme ça, bon courage ! Comme je suis en vacances, moi aussi je vais me remettre à l'écriture, ça me manquait ^^

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