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22 févr. 2011

Moonlight Sonata - n°18

Ils marchaient tranquillement dans la nuit, discutant, tandis qu'Ed les menait à travers la ville illuminée. Répondant aux questions de ses amis, Alex leur parla un peu d'Emma, de sa relation avec elle, et à quel point ce qui c'était passé ce soir l'avait déconcerté.

- Tu devrais aller la voir pour être fixé, lui conseilla Ed. Soit c'est une fille étrange sans aucune logique dans ses relations avec les gens, soit elle avait ses raisons, et donc tu ne les comprendra qu'en lui parlant. Dans les deux cas, ça te permettra de passer à autre chose.

Alex acquiesca. Ed avait raison, c'était la meilleure chose à faire. Mais à l'idée qu'il allait devoir revoir Emma, son ventre se nouait. Il chassa vite cette pensée de son esprit, et se remit à écouter Carl, qui fredonnait. «  Dum dum dum dum... Tu sais, j'aurais vraiment aimé être un chanteur. Ça aurait été chic. » Il fit quelques petits pas de danses tandis qu'il marchait.
- Tu pourrais, tu ne chantes pas si mal, répondit Alex.
- Tu crois? Mais le problème, c'est que je suis un grand timide.
- Les gars, on va pas tarder à arriver, les coupa Ed, qui cherchait quelque chose dans sa poche.
- Qu'est-ce que tu cherches ?
- Ça, dit-il en leur montrant une breloque qui pendait à son porte-clefs.

C'était un petit objet en métal, qui ressemblait à un insecte, avec ses longues ailes et son corps fin, assez stylisés.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda Carl, intrigué.
- C'est une sorte de laissez-passer, qui permet de rentrer dans le bar. C'est un bar privé, et comme ils ne veulent pas de n'importe qui, seuls les gens qui ont ce truc peuvent entrer. Bon, il suffit d'entrer dans le bar pour en recevoir un, donc il suffit d'y aller avec un ami, ce n'est pas non plus si compliqué d'y entrer. Vous aurez le vôtre dans quelques instants.
- Eh bah, répondit Alex. Dans quel genre de bar tu nous amène... Et pourquoi un moustique d'ailleurs ?
- Parce que l'endroit s'appelle le Mosquito. Voilà, on y est, lança-t-il en montrant au bout de la rue l'enseigne clignotante d'un petit moustique, qui volait parmi une nuée d'autres néons éblouissants.
- Vamos, hermanos ! lança Carl avec enthousiasme.

Ed montra son gri-gri à l'imposant videur, qui aquiesca et se poussa pour les laisser entrer.

Une ambiance très différente de celle du Moonlight Sonata les accueillit : dans une salle assez sombre et bondée dont on distinguait mal l'étendue et les recoins, se cotoyaient différents pôles d'attraction. Dans un coin, un groupe d'homme jouait aux cartes, et d'autres regardaient la partie par dessus l'épaule de leur voisin. Plus loin, une femme lassive se déshabillait lentement, sans répondre aux apostrophes des buveurs aguichés. Encore ailleurs, un saxophoniste et un guitariste jouaient un air languissant que l'on écoutait soit avec une certaine torpeur endormie, soit avec un regard lointain, plongé dans d'intenses réflexions ramenées à la surface de l'esprit par le verre qu'ils tenaient à la main... Dans ce brouhaha populeux, les trois amis se frayèrent un chemin tant bien que mal, après avoir reçu leur propre petit moustique métallique.

- Hey Ed ! Comment tu vas ? Je vois que tu as amené de nouvelles recrues, lança un homme coiffé d'un chapeau vieilli et usé.
- Oui, je te présente Carl et Alex. Quelque chose d'intéressant ce soir ?
- Ça, tu peux le dire. Une super occas'. Si j'étais vous, j'attendrais pas pour parier. Vous pouvez gagner gros facilement.
- Ok, mais c'est quoi ? Du poker ?
- Non, des combattants.
- De la boxe ?
- Non, les poissons. Tu connais pas ? C'est des poissons, si tu les mets dans le même bocal, ils s'entretuent.
- OK, je marche. Les mecs, vous en êtes aussi ? demanda Ed.

Alex réfléchit rapidement. L'état des finances n'était pas très bon, mais après tout, il n'était pas obligé de miser beaucoup. Et s'il gagnait il ne miserait que ce qu'il avait gagné avant. Ainsi, il pouvait jouer sans s'inquiéter.

- Je suis partant aussi, accepta Alex, en même temps que Carl.

Ils suivirent donc le type qui venait de leur parler, et qu'Ed semblait connaître. Il les amena vers le fond de la salle, où toute une série d'aquariums étaient alignée le long d'un mur que quelques lampes éclairaient faiblement. Un petit attroupement se créa autour de l'aquarium central. Pendant les préparatifs et la prise des paris, Alex se mit à scruter le reste de la salle ; il observait tout cela comme s'il était étranger à lui-même, et voyait le visage de ses amis s'animer, se mouvoir tandis qu'ils parlaient, ou que les émotions qu'ils ressentaient le déformait. Il regardait tout ce petit spectacle avec une certaine tendresse lointaine. Il avait envie de rester dans cet état retiré de tout, comme blotti dans le fond d'un canapé confortable, ou enveloppé par les bras chauds et doux d'une femme aimante.

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